Tout change tous les jours.
Un maëlstrom de sensations, comme une averse un jour de mousson qui la trempe jusqu’aux os. Rien n’a la même saveur, le même son, la même couleur. Un jour le sol est carmin et les tulipes sont cyans, l’autre, Milkshake est aussi canari que la surface sur laquelle les pieds de Bulle se posent. Parfois, elle parvient à faire changer l’aspect du parterre en faisant un tour sur elle-même, mais souvent elle se contente d’observer les changements s’opérer naturellement.
C’est, un tourbillon d’informations, comme une tempête de sable dans un désert, ça s’infiltre par tous ses pores, sa peau, ses yeux et sa bouche sont attaqués. C’est fascinant.
Un battement de cils de
Rose, une déploiement d’une
pétale de l’autre côté de la cour. Un sourire
fleurit sur son visage, Bulle rit.
L’air aujourd’hui a un goût de cerise. Elle le déguste avec ses doigts, un petit frôlement par-ci, lorsqu’elle tend la main devant elle, agite son index pour former un cercle et capturer une bouffée, un autre par-là, lorsque avec ses cinq doigts elle l’agite et lui fait faire un slalom sensuel. Bulle s’en délecte et rougit de joie. Rouge comme une cerise.
Parfois, les changements noient Bulle, elle se sent comme un naufragé en pleine mer, ballotée de vagues en vagues. Le décor est différent mais singulièrement le même. Le monde est parfois trop pour Bulle. Elle l’adore, il la fascine, elle aime à l’étudier. Mais elle prend sans cesse de violentes claques salées, concentrées de vie microscopique.
Alors, elle vient s’asseoir près d’Abysse.
Abysse elle ne change jamais. Silencieux rocher qui dépasse de la surface de cet océan. Il est abîmé ce rocher, il est cassé, il a subi l’érosion, il s’est pris plus de gifles qu’elle ne pourra jamais compter, mais pourtant il reste, inébranlable.
Bulle ne l’a jamais vu d’une autre couleur que la sienne. C’est d’un gris sidéral, profond, intense où se mêlent des éclats d’intelligence et de douceur.
Bulle se pose sur le même banc qu’elle, dans le coin est de la cour, là où Abysse peut observer avec précision des choses que Bulle tente parfois de trouver avec elle, mais c’est souvent difficile. Même impossible. C’est grisant de côtoyer le calme de cette fille. Bulle sourit beaucoup quand elle est avec elle. Elle reçoit les ondes acidulées que renvoient Abysse, ça lui chatouille les narines, emporte son esprit ailleurs. Bulle aime bien Abysse.
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T’arrive-t-il de trouver ce que tu cherches ? Bulle murmure doucement, un peu effrayée de brusquer la frêle figure à sa droite.
Parfois je cherche avec toi mais rarement je trouve, c’est comme une chasse constante à travers une jungle. De lianes en lianes, comme Tarzan. Elle glousse. Qui est Tarzan déjà ?