Bienvenue chez nous ? [Bulle]

Camel. L’ambiance du foyer est camel, c’est chaud, agréable, enivrant. Ca sent le cuir brûlant attaqué par les rayons d’un soleil caniculaire, celui-ci est à peine usé, comme fraichement sorti de chez le sellier garnisseur, il porte encore presque l’âme du bovidé qui a servi à sa fabrication. Bulle aime bien cette ambiance, ce foyer, elle s’y sent comme chez elle, un chez elle qu’elle n’a peut-être jamais eu.

Elle fronce les sourcils, si fort qu’elle voit les épines broussailleuses de ceux-ci s’entremêler avec le tissu gris souris du canapé qui s’étend de manière indolente devant ses orbes noires. Bulle décide que ses sourcils aujourd’hui sont verts. Un vert assez clair, celui des herbes, vivantes, gorgées de vie, humides d’amour qui jaillissent le long de ses arcades et viennent embrasser son regard.

Son étude s’interrompt lorsqu’elle se rend compte de la présence d’un autre individu dans la pièce. Etonnement. Curiosité. Un petit bruit s’échappe de sa bouche, comme un miaulement de surprise qu’elle n’arrive pas à contrôler. Les yeux de Bulle font une pirouette époustouflante et elle croise d’abord des jambes. Ce sont de longues jambes fines, d’un magenta chaleureux.

-Ah ! Bulle ! Dit une voix joviale, d’une bouche qu’elle finit par trouver en levant la tête.

Le visage du garçon, Mi… @Milkshake apparait face à elle. Il est beau. Sa peau s’illumine de mauve lorsqu’il cligne des yeux, Bulle l’aime bien. Elle esquisse un sourire et se place face à lui, sans savoir pourquoi, elle sait qu’il se faut pas tourner le dos à quelqu’un. Instinct.

-C'est super classe comme endroit, tu ne trouves pas ? Dit-il en faisant un geste assez brusque pour désigner la pièce.

Bulle recule d’un pas, comme repoussée par ce bras qu’elle sait pourtant inoffensif. Son cœur trébuche, rate un battement. Très bien, donc, pas de brusquerie et pas de retournement. Elle peut faire avec ça. Elle espère juste qu’il n’a pas remarqué.

-Tiens... C'est quoi ça ? Il s’approche du grand meuble qui surplombe la pièce. Une bibliothèque?

Il n’hésite pas à lui tourner le dos, comme une marque de confiance. Bulle sent son cœur fondre devant l’acte et elle rit doucement.

- Est-ce que tu te souviens de ce que tu aimes lire ? Il demande, comme troublé lui-même par cette question.

-Je ne sais même pas si je sais lire. A vrai dire, je ne sais même pas comment je me souviens du langage. Je te comprends mais peut-être que toi non ? Est-ce que je parle une autre langue que la tienne ? J’aimerais bien parler japonais… Ou Russe ! D’ailleurs, ta langue à toi elle est couleur lavande, c’est marrant. T’es marrant !

Mince. Elle a peut-être un peu trop parlé. Elle ne sait pas comment interagir avec les autres. Ses doigts s’entremêlent, se rencontrent, se séparent, elle leur fait danser une sorte de lambada grotesque. Bulle est gênée.

-Je crois que je ne sais pas très bien communiquer.

Elle rit nerveusement et s’approche de la bibliothèque donc les grands yeux jugeurs semblent la fixer. Elle attrape un livre plutôt petit, léger, il est rouge, comme un message attention.

-Tu arrives à lire ce qu’il y a écrit ? Dit-elle en tendant celui-ci à @Milkshake.

Des vallées de sable arides, mouvantes, comme animées d’une vie propre ont semblé se former. Comme de légers tremblements dans l’équilibre lisse et parfait de son front. Milkshake a froncé doucement les sourcils, légèrement, avec la délicatesse d’un jeune homme optimiste. Un point bleu au milieu de son front, d’un bleu clair, de la couleur d’un ciel d’été sans nuages, s’est formé, comme pour témoigner de son esprit fonctionnant à toute vitesse. Il avait l’air inquiet et surpris.

-Hm. Non, je ne sais pas le lire. C'est peut-être du russe ? A-t-il dit.

Il lui a tendu le livre rouge vif et Bulle a regardé les pages avec méfiance, comme si celles-ci allaient l’attaquer et la dévorer toute crue. Elle l’a pris pendant qu’il se détournait d’elle pour regarder la bibliothèque. Un combat de regard a alors démarré entre le livre et elle. Des traits noirs, encre profonde et emplie de mystère s’étendaient sur les pages, affrontant ses orbes obsidiennes. Des écriteaux inconnus d’une langue mystique grignotaient les pages comme des mites dans du bois.

-Lui, j'y arrive ! Ouf ! J'ai eu peur ! Alors... C'est qu'il y a différents livres dans différentes langues ? S’est-il exclamé d’un seul coup faisant sursauter Bulle.

Elle a levé la tête vers lui, ses lèvres, roses, pleines de vie, se sont étirées dans un sourire, laissant apparaître des fossettes, petits creux d’un orange chaud prenant place sur son visage irradiant de bonne humeur.

-Peut-être même qu’il y a des livres écrits dans une langue inventée ? Du … Machinux par exemple, parlé dans le pays des Trucs, tu sais, ceux dont on parle à chaque fois qu’on ne trouve pas un mot précis. Peut-être qu’ils existent vraiment… A-t-elle expliqué en faisant de grands gestes, dansant presque d’excitation à l’idée.

-Tu sais.... Pour savoir si tu sais lire, il n'y a qu'à savoir si tu étais arrivée à lire ton nom sur le moniteur, à notre réveil. Ou bien nos noms sur nos vêtements. Et maintenant, il y a ces livres. Et... quand je parle, tu vois de la lavande ?

Milkshake semblait … Perplexe. Ses yeux brillants avaient des reflets dorées, une lueur d’intelligence se mêlant et la curiosité et l’étonnement face à ce que disait Bulle. Sans savoir pourquoi, la jeune fille s’est sentie un peu triste. La jugeait-il ?

-C’est vrai que je n’y avais pas vraiment pensé ! Je dois sûrement savoir lire du coup, en effet… A-t-elle murmuré en baissant la tête, honteuse. Les couleurs chaudes de son visage quittant celui-ci et laissant apparaître un bleu acier sur ses joues, témoignage de sa gêne. Je … Oui. Enfin, tu étais d’une teinte violette tout à l’heure, mais ça change en fonction de tes humeurs et des angles.

Elle a fait mine de se tourner vers la bibliothèque en cherchant un livre, un titre familier peut-être pour échapper au regard du jeune homme sur elle.

-Faisons quelque chose. Regarde les livres et dis-moi si tu trouves un titre familier !

Je ris à son idée et ses grands gestes explicatifs. Le Machinux. Elle avait de l'imagination ! Elle semblait tellement vouloir y croire, tellement prise dans son histoire. C'était beau. C'était frais. C'était amusant. C'était léger. Cela faisait du bien.

-Oui ! Peut-être que ça existe bel et bien !

Étonnamment, je voulais y croire. Après tout, nous ne savions rien. Alors, peut-être était-ce vrai !

Elle changea du tout au tout avec l'histoire des couleur en revanche. Pourquoi baisser la tête ? Elle changea ensuite rapidement le sujet pour se tourner vers les livres. Du moins, le voulait-elle, mais pas moi.
Je posais une main sur sa tête et caressait en douceur ses cheveux, sans trop les ébouriffer.

-Je trouve ça intéressant pour les couleurs. C'est plutôt cool, même. J'en serais presque jaloux.

Après tout, on pouvait voir ça comme un pouvoir mystérieux, même si c'était peut-être et simplement son imagination qui en était la cause.

Pour ne pas la gênée davantage, je reportais mon attention sur les livres et m'appliquais à la lecture des titres. Après de longues minutes, je repris la parole en soupirant.

-Non, rien ne me parle. Je ne lisais peut-être pas beaucoup avant ? Et toi ? Il y en a un qui t'a fait de l'oeil ?