C'est en trainant la patte qu'il se dirige vers les salles d'examen. Mais contre toute attente, la voix qui l'appelle depuis le haut-parleur est étrangement chaleureuse. Étrangement féminine. En entrant dans la salle, celui qu'on a appelé Sodado comprend pourquoi. C'est une jolie docteur qui l'attend. Avec le sourire de surcroit. C'est peut-être la première fois depuis son réveil qu'il tombe sur un membre du personnel avec un air aussi sympathique.

▬ Bonjour. Il l'a saluée poliment, la voix enrouée avant de s'asseoir sur le lit en face, sans la quitter des yeux.

Sodado se demande si la demoiselle ne surjoue pas l'amabilité pour l'amadouer. Elle a l'air si délicate. Il pourrait facilement lui casser le bras non ? L'idée lui traverse vaguement l'esprit. Il la balaye rapidement. Il est trop tôt. Et sûrement que le charmant minois de la psychologue fait son petit effet sur lui, car Sodado n'a aucune envie de lui faire du mal.

Après être resté silencieux, l'air impassible, pendant de longues secondes face à la question de cette jeune femme, il prend enfin la parole :

▬ Il faudrait vraiment être un drôle de type pour ne pas être stressé. Le brun parle lentement. On sent qu'il pèse chacun de ses mots. Et pourtant, progressivement, les expressions de son visage se décrispent. Oui je me sens assez nerveux. Est-ce un sourire qui se dessine sur ses lèvres ? Mais savoir que des gens comme vous sont là pour veiller sur notre bien-être me rassure...

Mensonge.
Mordra-t-elle à l'hameçon ?

La voix qui l'appelle et douce, réconfortante. Ca change un peu, pense-t-il sans conviction.
S'il plaque un sourire mal assuré sur son visage et salue avec politesse la femme qui l'accueille et l'invite à prendre place, c'est avec une certaine morosité qu'il s'exécute et s'assoie sur le lit. Néanmoins, il se tient droit, l'écoute avec plus ou moins de tranquillité.
Des examens psychologiques alors ? L'idée lui arrache une grimace et un ricanement sec qu'il étouffe rapidement. Il reprend contenance, polit son expression, récupère ce sourire mal assuré qui ne le quitte pas depuis son arrivée. Quelle ironie, même lui s'en rend compte. Il est facile d'oublier comment il se sent, tant qu'on ne lui pose pas la question. Le contexte lui fait pincer les lèvres, nerveusement, ses mains viennent se chercher l'une l'autre, se pressent pour chercher un réconfort qui ne vient pas.
Pour autant, il garde son sourire, lève un regard clair vers la doctoresse.

« Honnêtement ? Je ne dirais pas... 'Stressé'. » qu'il entame sans trop de conviction. « Je dirais-... » il s'arrête, garde sa phrase en suspens. Son regard oscille à droite à gauche, détaille la pièce alors qu'il cherche ses mots, cherche ses émotions.
Ce n'est pas un exercice plaisant. Ca lui rappelle son réveil, les révélations. Il n'y croit pas, il est convaincu qu'il n'y croit pas, pourtant, ça lui fait l'effet d'un poignard glacé dans les tripes. « Je dirais-... Triste. » Un simple mot qui lui arrache un froncement de sourcil. Formuler ce qu'il y a à l'intérieur de lui, au fond de ses ressentis le fait se sentir vulnérable, affreusement vulnérable. Il n'aime pas ça.
Il pince les lèvres, se gratte machinalement le poignet puis là où est tatoué son matricule. Il l'observe furtivement avant de voir s'il peut apercevoir celui de la doctoresse, puis son regard s'attarde brièvement sur la caméra. Il est observé, et pas uniquement par ses geôliers. Le rappel lui arrache un frisson, mais au moins la jeune femme ne semble pas beaucoup plus à l'aise que lui.
« Oui, triste, c'est le mot... », pourtant, c'est un sourire plus frais que le précédent qui étire ses lèvres, suivi d'un bref rire aussi nerveux qu'ironique. « Je ne suis pas doué pour ça, je ne sais pas vraiment ce que vous attendez que je vous réponde ? Je ne me rappelle même pas de qui je suis, alors, répondre sur comment je me sens c'est-... »

Il hausse les épaules avec trop de nonchalance, il n'a pas de fin à cette phrase. « Désolé, ce n'est pas que je ne veux pas vous répondre. C'est juste que c'est trop, trop d'un coup. ». Déconcertante sincérité. Il ne sait pas s'exprimer dans ce genre de condition, refuse de le faire, n'importe quoi pour éviter de se sentir misérable, seul... N'importe quoi, mais pas ça.